samedi 14 février 2009

Dissociation


L. : Double (fusain)
Lundi, ma conscience a quitté mon corps. Pour des raisons que je ne souhaite pas aborder ici. Toujours est-il que ma raison s'est fait la malle et que je marche à côté de mes pompes. Où cette maudite capricieuse est-elle encore partie ? Pas moyen de remettre la main dessus ! J'ai bien cherché dans mon sac, mais il est grand et vaste. J'ai déjà bien du mal à y trouver mes clés, alors un esprit, pour peu qu'il soit tortueux...

Enfin. Je prends mon mal en patience, me dis qu'il finira bien par rentrer à la maison...

Jeudi, rendez-vous chez le coiffeur avec mon amie E. Franchement, si ma conscience était encore là, je n'irais pas, trouverais une excuse bidon. Je n'aime pas aller chez le coiffeur. Mon amie a insisté et je me suis laissée convaincre, mais là, devant l'obstacle... Mais voilà, cerveau aux abonnés absents, mon corps dit "pourquoi pas". Je passe donc prendre E. et nous voilà sur la route, puis garée, puis dans le salon de coiffure. Couleur et coupe.

- Quelle couleur souhaitez-vous madame ?

On me parle ? Oui, une jeune fille me parle...

- Hé bien, vous voyez le bout de mes cheveux et les racines qui poussent blanches ? Il faudrait que tout soit de la même couleur, que ça paraisse un peu cohérent.

Elle me regarde d'un drôle d'air. Je crois que c'est le mot "cohérent" qui ne colle pas avec le vocabulaire "coiffeur". Mais bon, faisant comme si, elle s'exécute, me voilà enduite. Je me plonge négligemment dans les Paris Match accumulés devant moi et fais semblant de les lire (le meilleur moyen pour être tranquille).

Le temps de pause écoulé, elle me demande gentiment de passer aux bacs. Là, un superbe Apollon décide de me rincer les cheveux et de "me faire un soin". Vas-y Apollon ! Je dis Apollon, c'est mon amie qui me le fait remarquer, après. Parce que sur le moment, j'ai bien vu que c'était un charmant garçon, plutôt sympa. Mes yeux ont reçu l'information, mais comme ils ont perdu le reste de la connexion...

- Et on fait quoi ensuite madame ?

Quoi, on fait quoi ? Je m'en fous. Non, je ne lui dis pas comme ça, je ne tiens pas à le blesser, j'amortis. Mais c'est la réalité : je-m'en-fous. Je crois qu'à ce moment-là, il pourrait décider de me raser la moitié de la tête et de peindre l'autre en bleu, ça ne me gênerait pas plus que ça.

- Je n'en sais rien, c'est vous le chef.

- Aaaah, j'adoooore quand on me dit ça.

J'aime bien le dire, ça tombe bien (mais ça, je ne lui dit pas, quand même).

On rince, on change de place, il commence à couper et mes cheveux se métamorphosent. Au final, c'est réussi. Je prends le ton adéquat pour lui témoigner un enthousiasme feint, pour qu'il sache que ça me plaît et qu'il refasse la même chose, si je dois revenir, on ne sait jamais. Nous payons et nous voilà reparties.

Les jours suivants, je traîne toujours dans le même état, ma raison ne montrant pas le bout de son nez. J'écris quelques textes, d'une noirceur très... sombre. C'est comme ça quand c'est mon corps qui parle.

Vendredi, rendez-vous chez le psychologue. Il débroussaille un peu, je me sens mieux, mais toujours pas d'esprit en vue. Ensuite, restaurant avec mon homme et séance de relaxation l'après-midi pendant que monsieur va traîner dans un célèbre magasin de disque. Il revient avec quatre ou cinq CD, dont le dernier Mansfield TYA, Seules au bout de 23 secondes, dont j'avais très envie. Mais je ne l'écoute pas tout de suite.

Samedi, j'ai prévu de déjeuner avec A., mon ami de folie, celui qui m'a appris qu'on n'est pas obligé de tourner dans le même sens que tout le monde, qui a fait naître mon premier fou rire - après. Avec qui je parle de tout, du monde, de notre intime intimité, avec qui je ris aussi beaucoup, sans état d'âme. Je passe l'après-midi avec lui. Quand je le quitte pour rentrer, je suis toujours à côté de mes pompes, mais ça va plutôt mieux. Je suis entre deux chaises, je vogue entre deux mondes. Perplexe, lasse.

Comme d'habitude quand je suis dans cet état, je ne prends pas l'autoroute. Trop déprimant. Me voilà sur les petites routes. Mon corps perd son temps sans résistance.

Seule dans la voiture, j'écoute le CD de Mansfield TYA. Et mon esprit revient, regagne mon corps. Ce qui ne se fait pas sans douleur. Sans idées peu avouables. L'esprit est trop vaste et le corps trop petit, trop maladroit, trop limité dans ses mouvements.

Mais bon, j'ai récupéré ma conscience. Merci mesdemoiselles Julia Lanoë et Carla Pallone !!!

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