Texte écrit en d'autres temps et d'autres lieux, mais toujours les mêmes combats...
Monsieur le Responsable,
Vous avez manifesté l'intention de fermer l'hôpital de St-Affrique. Autant vous dire que ce n'est pas tombé dans l'œil d'une sourde. Je me permets de vous faire remarquer que ceci mettrait la population du Saint-Affricain en grand danger.
En effet, lundi 27 octobre, nous avons effectué un test en réel (photo ci-jointe à l'appui) avec ma sœur Germaine et Pépé Ignace. Eh ben, il nous a fallu deux heures quarante trois pour arriver à Millau !!! Imaginez si nous avions été sur le point d'accoucher...
De plus, nous sommes arrivés tout mouillés ! Nous n'avions pas pu emporter de bâche, vu que nous avons tout mis autour de l'hôpital de St-Affrique, vous avez dû voir, à la télé... c'est un peu triste, mais bon, c'est les jeunes qu'ont voulu. Vous savez ce que c'est, les jeunes...
Enfin bon, je me perds, qu'est-ce que je disais ? Ah oui ! Pépé Ignace donc. Je me dois de vous préciser qu'il a été recalé trente et une fois au permis de conduire, et qu'il a finalement abandonné l'idée de le passer vu qu'il ne voit plus très clair... et que ses idées ne sont pas toujours bien claires non plus. Il connaît le chemin de la ferme à St-Affrique par cœur (plus ou moins), mais Millau... pffiou... Si nous ne sommes pas mortes d'un infractus pendant le voyage, nous vivrons centenaires !
Notez qu'en même temps, à faire un malaise cardiaque, il valait mieux le faire ce jour-là : on était à la ville, là où les hôpitaux sont modernes. Et surtout ouverts ! Et qu'on n'y va pas tous les jours ma foi. La dernière fois, que je ne vous dise pas de bêtise, ce devait être en 1927 (mais là, je n'ai pas de photo). Plus moyen de trouver de bottes en caoutchouc dans tout St-Affrique ! On n'avait jamais vu ça !!! Notez qu'à Millau, il n'y en avait pas non plus. Et Rodez, ça faisait vraiment trop loin...
Enfin bon, je me perds, qu'est-ce que je disais ? Ah oui ! Pépé Ignace donc. Il n'est pas très rassurant quand il prend le tracteur. Notez qu'il vaut mieux que ce soit lui que moi. Parce que, bon, si je dois être tout à fait honnête, la dernière fois que je l'ai pris, le tracteur, j'ai écrasé trois poules, un vélo, embouti une borne à incendie et je me suis arrêtée dans le mur du Père Constant, pas content du tout ! D'autant qu'il était sur son échelle, appuyée au dit mur, et bon, il en a été quitte pour une bonne fracture du tibia !
Je tiens à dire qu'il a été vraiment très bien soigné à l'hôpital de St-Affrique, aux petits oignons comme on dit chez nous, et qu'un mois après il galopait comme un lapin. Il ne m'adresse plus la parole depuis, mais bon, je ne peux pas lui en vouloir. Il aurait été soigné à Millau que ça n'aurait, je pense, rien changé. En même temps, c'était plutôt une bonne chose : le Père Constant, il a vraiment très mauvaise haleine...
Enfin bon, je me perds, qu'est-ce que je disais ? Ah oui ! Donc, deux heures quarante trois pour arriver à Millau !!! Et encore, on est allé plus vite que prévu, parce que les freins du tracteur ont lâché dans la descente de Raujoles (ce n'était pas arrivé en 1927). D'ailleurs, Pépé Ignace en a perdu son dentier, ben ça va encore faire un trou à la sécurité sociale !
Enfin, tout ça pour dire que si chaque fois qu'on a un petit souci de santé, il faut qu'on aille à Millau, on va bien finir par tuer quelqu'un. Surtout si Pépé Ignace est obligé d'accélérer comme un fou parce qu'il y a urgence : à son âge, les réflexes... Et ça, on ne s'en remettrait pas...
Voilà pourquoi j'ai l'honneur de vous demander très officiellement, moi, Philomène Bouillon, de reconsidérer votre décision avant d'avoir des morts sur la conscience, vous aussi.
Nous nous tenons bien sûr à votre disposition si vous souhaitez refaire le test par vous-même, sous la conduite de Pépé Ignace, à moins que vous sachiez conduire le tracteur, mais bon, je dois vous dire qu'il est particulièrement capricieux (le tracteur). Tonton Gaston a réparé les freins, vous pouvez avoir toute confiance. Il répare les tracteurs depuis 1919. Nous vous proposons même de prendre une petite photo, ça vous fera un souvenir.
Bien respectueusement,
Philomène.
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