mercredi 18 mars 2009

Des chats et des hommes 2


Glu est le compagnon de mes réveils vaincus. Il connaît la nuit. Il sait les combats qu’on y mène. La nuit, c’est la guerre. Il faut y défendre sa peau. Au milieu des tirs d’obus, du bruit des chars, du sifflement des balles, des corps-à-corps absurdes. Parfois on est blessé, le ventre grand ouvert et on retient ses tripes avec ses mains. On attend l’ambulance.

La nuit, tant de combats. Tous oubliés au petit matin. L’esprit oublie du moins, mais le corps en garde la fatigue et la douleur. Alors le matou vient faire le pitre, offre la douceur de son pelage, son ronron rassurant, lèche les plaies invisibles mais bien réelles. Un chat sait tant de choses sur nous-mêmes que nous ignorons. Neuf vies

Qu’est-ce qui compte vraiment pour un chat ? Des croquettes dans la gamelle. Et attention ! Le matou a le souci du détail et de l’exactitude. Trente croquettes dans l’assiette, cela ne suffit pas. Trente deux, le compte est bon. Quoi d’autre ? De l’eau fraîche. Une litière propre, et quand elle ne l’est pas, il demande à sortir. Ou bien, il sait où ces choses se jouent. Il a remarqué l’étrange objet au coin de la salle de bain. Mais il ignore son fonctionnement. Alors parfois, dans le doute, mais pour bien prouver sa bonne volonté, il dépose sa crotte au pied de l’autel. C’est gentil parce que c’est plus facile à nettoyer.
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Penser à changer la litière.
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Un chat préserve son cœur d’enfant : il joue. Avec ses congénères de préférence. Même s’il aime les hommes, il faut bien avouer que ces derniers sont toujours trop sérieux. Et qu’ils se mettent rarement à quatre pattes. Ou que ce faisant, ils sont bien maladroits dans cette position. En l’absence de félin dans les parages, il trouvera d’autres compagnons : un papillon, une herbe folle, un lézard, une feuille d’arbre, un rideau, son ombre, un pied qui bouge sous la couverture…

Puis, fatigué, il viendra se pelotonner sur le coussin du chien. Il dort ? D’un œil et d’une oreille seulement. Lui, il connaît la nuit, il n’y va que d’une patte. Les autres restent de l’autre côté. Ne pas se faire avoir. Il affectionne aussi les lieux en hauteur. Là, il peut veiller et voir loin. Il règne sur son monde.

Le chat déteste les ménages à trois. Il va dormir avec le tout seul, se lover contre lui, c’est le temps des caresses et il s’endort repu. Mais dès que le troisième approche, il fuit. Il n’aime pas le chiffre 3. C’est un diviseur de 9.

Pourtant, il lui faut son quota de tendresse. Comme il aime les frissons qui l’animent sous la main caressante. Comme il sait réclamer du bout du nez le mouvement des doigts. Ne pas croire qu’on peut y échapper si l’envie n’y est pas ! Un chat est plus têtu qu’un âne. Il aura ses caresses, ses frissons, ses ronrons. Et son bonheur, à cet instant, devient le nôtre. Le chat est généreux, il offre ses ondes de plaisir à tout son entourage. Et quand il juge que c’est assez, il quitte le lieu. Rien ne pourra le retenir. Il reviendra plus tard et il faudra s’y faire.
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Tiens… elle a allumé l’ordinateur…
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Glu est très intéressé par ce rectangle noir et carré sur lequel je tapote. Il suit mes doigts du regard et constate qu’ils ont un effet sur l’écran. Des signes s’y affichent au fur et à mesure. Parfois, la machine fait de la musique. À plusieurs reprises, il a même aperçu des animaux enfermés dedans. C’est étrange. Ça fait peur et ça attire en même temps. Et aussi, ça produit de la chaleur, ce qui est loin d’être négligeable.

C’est mieux que les livres. Sur ceux-là, on voit les mêmes signes. Mais ils restent froids et ne font pas de musique. Et puis, ils se mettent en travers du temps de l’affection et parfois l’humain les préfère au chat, qu’il repousse de la main. C’est vexant. Glu n’aime pas les livres, sauf quand ils forment des piles sur lesquelles il peut se coucher. Équilibre improbable.

Il aime aussi l’autre rectangle noir. Celui que les humains regardent parfois, en silence, ou pas. Il adore le foot, le handball, le basket. Il se passionne, trépigne. Ce ballon… Les documentaires animaliers l’intriguent. Encore des cousins enfermés. Et puis des hommes aussi. Comme elle. Mais là, il n’y comprend rien et ça l’ennuie vite. La vie des hommes n’est pas passionnante. Parfois, il aperçoit des combats, les mêmes que les miens la nuit. Là, il n’y comprend vraiment plus rien.

Mais ne pas comprendre n’est pas un problème. Pourquoi vouloir tout savoir. C’est une manie d’homme. Lui n’en a cure. Il va voir ailleurs, trouve un stylo qui traîne. Les stylos aussi jouent. Ou il va réveiller Totor, l'autre chat de la maison. C’est le temps de l’apothéose, des courses hypothétiques, des cabrioles fantasques, des je-te-mords tu-me-mords. Jusqu’à ce que l’un des deux dise "pouce". Alors ils retournent à leur méditation. En attendant la nuit, et que tout recommence.

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