Une blague belge, deux blagues belges, trois blagues belges… Mon agacement tournoie au-dessus du lit. Un moment. Puis finit par se rassembler au-dessus de ma tête. Ni trop près ni trop loin. Distance circonspecte. Une belle boule ronde, chaude, palpitante… Je la tiens à bout de bras et l’observe. Mes doigts en perçoivent le frémissement.
Quatorze blagues belges… L’homme parle. Rit. Parle. Rit. Je n’écoute plus, je suis en plein dialogue avec la boule.
Vingt-six blagues belges… Je m’amuse. J’ai maintenant construit un bilboquet et essaie de poser la boule sur la pointe. C’est difficile.
Trente-trois blagues belges… L’homme ne voit rien. N’entend rien. Ne sent rien. Partout, toujours, il est suivi de sa tonitruante escorte. Ça parle fort, ça rit fort, ça sonne, ça claque… Lorsqu’il est dans les parages, le silence bat en retraite, se recroqueville dans les coins. Des nuées d’ondes zèbrent l’air, crépitent, menacent. Lorsqu’il est dans les parages, mieux vaut redoubler de vigilance. Repérer ses trajectoires. Penser à esquiver le bras qui se tend soudain, avec ou sans raison. Planquer les pieds au passage des siens. Il envahit, écrase. Il semble seul au monde. En sa présence, la mienne s’interroge.
Quarante-cinq blagues belges… Les yeux de l’homme sont inutiles. Les oreilles de l’homme sont inutiles. Les mains de l’homme sont inutiles. Les miennes dessinent des ombres chinoises sur le mur.
Cinquante-huit blagues belges… J’ai bien tenté pourtant de lui enseigner les calligraphies préliminaires. De lui montrer combien les poèmes épidermiques sont beaux lorsqu’on connaît l’alphabet des corps. Rien à faire. Il préfère la méthode globale. Quitte à rester à jamais dyslexique.
Soixante-deux blagues belges… Je songe à lui demander quel est mon nom. J’ai peur qu’il ne s’en souvienne pas. Je suis convaincue qu’il ne s’en souvient pas. J’espère qu’il ne s’en souvient pas. Comment s’appelle-t-il ?
Soixante-et-onze blagues belges… La chambre s’est vidée de ses couleurs, de ses éclats de rêve, perles de rire, soupirs d’abandon. Une luminosité engourdie menace à travers les persiennes. Plus tout à fait le jour, pas encore la nuit, même pas le crépuscule.
Quatre-vingt-sept blagues belges… La peur montre son nez. Je sens bien que le monde change. Qu’un drame se noue. L’absurde rassemble ses forces. Il me faut converger vers ce point immatériel où je me sais – me crois ? - hors d’atteinte. L’essentiel est de le croire.
Quatre-vingt-dix-neuf belges… Je sens une pression sur mon épaule. Il me secoue. « Eh ! Tu m’écoutes ? » Conciliante, j’amorce un petit rire. « Oui oui, elle est bien bonne celle-là. » Il semble perplexe. Ou peut-être juste fatigué. « Tu veux dormir ? »
« Oui… mais seule. »
Il pâlit.
Sans blague.
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C est marrant on sent plein de choses deja, l agacement la tension et le malaise
RépondreSupprimerMais pas qu au niveau des blagues belges. C est comme un agacement de tout ce qu il se passe en ce moment. C est zarb la sensation parce que si ca se trouve, t as rencontrer un belge..
Mouarf !
RépondreSupprimerC'est une fiction fictive (parce que je suis toujours ermite alors y a pas de risque), un truc qui m'est venu après avoir vu un film. Et il n'était pas belge... ! :D