vendredi 21 mars 2014

Aube rouge


Francis Hungler :
Paysage rouge.
« À un moment de la nuit,
tout est calme sur la surface de la terre. »
(Abdelkébir Khatibi)



Les insomnies ont du bon.
Pensée consolatrice lorsque la nuit finit enfin
lorsque l’odeur de l’aube se fait enfin sentir
alors que naît l’étrange vertige
du manque de sommeil
de l’excès de vide
alors que je relis la récolte de la nuit :
quelques phrases notées d’un livre de poésie
qui a accompagné les heures solitaires.

Au petit matin
seule la couleur du ciel rassure
elle seule peut ranimer quelques certitudes vitales.

Jusqu’à ce jour
petit matin de fin d'hiver sans neige
où le soleil naissant avait enflammé le monde d’un rouge inouï
embrasé les hauteurs
transformé en brasier la vaste combe, en-dessous
la route, les arbres, les nappes de brume, la peau.

Ce jour-là plus rien ne fut sûr
plus rien à quoi se raccrocher
un peu, si peu, au moins.

Je n’ai plus jamais cru au ciel
ni au bleu
ni à la clarté matinale toujours renouvelée
lavée
rincée.

Je pense : ce doit être cela, la mélancolie
lorsque le monde entier se teinte d’une seule et unique couleur
étouffement monochrome.

Le pire doit être le puits sans fond du noir, j’imagine.
Je ne peux qu’imaginer.
Ou l’ironie cynique du gris.
Ou le calme effroi du blanc.

Mais ce rouge fascinant et écœurant à la fois
écœurant non en lui-même mais en ce qu’il n’y avait plus que lui
tout autour et pénétrant tout...
Ce rouge...

Les insomnies avaient du bon.
Avant cette aube rouge.

.

1 commentaire:

  1. On peut aimer le rouge !
    L'étouffement vient surtout de l'insomnie ;-)

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